Le destin d'une journée est parfois étonnement intense, comme si quelque chose voulait vous réveiller d'un quotidien, auquel, il faut l'avouer, on s'habitue très bien. Au bout d'un mois, on acquiert des automatismes : se lever, replier les sacs de couchage, replier les matelas, vider l'intérieur de la tente, mettre de l'eau à chauffer, petit déjeuner, ranger le petit déjeuner dans les sacs, replier la tente, se débarbouiller, remplir les gourdes d'eau, détacher les vélos, charger les vélos, prendre la route, trouver une boulangerie (ou équivalent), acheter de quoi manger sur la route, continuer, trouver un camping, déplier la tente, déplier les chaises et la table, gonfler les matelas, attacher les vélos, prendre une douche... On est désormais capables d'accomplir ces tâches en un temps record. Et puis il y a le jour, où rien ne se passe comme prévu.

Se lever, trouver où prendre un mini bateau pour traverser la baie, se rendre compte qu'on est dimanche et qu'il faudra attendre 12h30 pour traverser. Alors attendre, prendre le bateau, sortir du bateau et paf, collision entre la pédale et la cheville. Se mettre sur le côté, constater les dégâts, râler un peu (car ça aide à avoir moins mal), et prendre la route. Rouler, rouler, en direction de l'escale du jour, s'arrêter, prendre des photos, continuer, se battre contre le vent, continuer... Et du coin de l’œil, remarquer quelque chose de rouge au bord du chemin, s'arrêter sans prévenir, essayer de déterminer s'il s'agit d'un gros insecte, peut être un scorpion, réaliser après un auto focus visuel qu'il ne s'agit que d'une langouste égarée, se retourner pour commenter l'événement... Et paf, il est déjà trop tard : collision entre les deux vélos, Johanna arrivant juste derrière, et ne rêvant déjà plus qu'à la pause et son coca bien frais. Ne pas avoir le temps de crier avant de se retrouver dans le décor d'herbes séchées bien piquantes. Se relever, constater les 4 bleus supplémentaires gagnés dans la chute, constater qu'un vélo a perdu une roue et que le second roule toujours mais avec le dérailleur cassé ! Rire, chercher un camping plus proche, rire encore, trouver le camping. S'installer, tenter une réparation de fortune devant les dunes, et sous le vent de l'Atlantique, essayer, essayer encore jusqu'à repeindre nos quatre mains de cambouis, déclarer forfait, et finalement décider d'aller manger des langoustes pour se venger. Trouver un restaurant, s'installer, commander du vin et finalement deux poissons grillés, discuter avec le mec de la table d'à côté (discussion très limitée, compte tenu de notre niveau de portugais), trouver le poisson très bon, se laisser tenter par un dessert (humm, Pudim), voir le serveur apporter une seconde bouteille de vin sans qu'on aie rien demandé, trouver ce vin très bon, se faire inviter en Suisse par la table d'à côté, demander l'addition et constater que notre copain portugais pour la soirée, l'a déjà réglée pour nous ! Bref... Everything will be ok at the end. If it Is not ok, it Is not the end. On vous laisse, on a toujours un dérailleur à réparer et une tente à replier et de sacs à ranger et...